Le Harcèlement moral en 8 questions
article paru dans Centrenews en juillet 2013

Depuis 2002, le harcèlement moral est un délit pénal en droit français. Il est défini par la répétition
d’agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible
de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de
compromettre son avenir professionnel.
Ces actes largement mis en avant lors de récents problèmes rencontrés par certaines grandes
entreprises (vague de suicides, lourdes dépressions,…) mettent en évidence l’actualité de cette
problématique et la difficulté pour le droit d’encadrer un phénomène à dominante psychologique.
Malgré la rareté des statistiques françaises, le Parlement européen a pu dégager quelques chiffres.
Environ 10% de salariés français sont touchés par ce « syndrome » principalement dans les secteurs de
la santé, de la grande distribution, du secteur bancaire et de l’hôtellerie. Ces évènements mettent en
exergue le fait que ce sont non seulement les simples particuliers qui peuvent être en cause mais
également les entreprises.
Quels sont les agissements les plus caractéristiques du harcèlement moral ?
Seul le juge peut statuer sur le comportement relevant ou non du harcèlement moral. Les agissements
les plus caractéristiques se combinent généralement entre eux. Il peut s’agir de débordements de
langage (des remarques humiliantes ou des injures répétées), une intimidation physique ou
morale (des violences, des gestes déplacés ou encore des brimades,…), une exclusion, une mise à
l’écart du salarié (« mise au placard »), une dégradation des conditions matérielles de travail, une
dévalorisation ou encore l’exercice abusif du pouvoir de direction. A l’inverse, un acte répréhensible
mais isolé ou encore des reproches professionnels ou enfin une incompatibilité d’humeur entre deux
salariés ne sont pas du harcèlement moral. En revanche, la frontière est beaucoup plus sensible avec
le stress car chaque personne a une perception différente des contraintes auxquelles elle doit faire
face dans son environnement professionnel.
Qui peut se rendre coupable de harcèlement moral ?
Le harcèlement moral n’est pas lié à un rapport hiérarchique. Un salarié peut être victime de
harcèlement du fait de l’employeur ou de tout autre personne : son supérieur hiérarchique ou à
l’inverse son subordonné, le conjoint de l’employeur d’autres collègues sans aucun lien hiérarchique
avec lui, un client ou un prestataire extérieur ou encore un groupe de salariés.
Comment le salarié peut-il établir des faits présumant d’une situation de harcèlement ?
Le salarié peut notamment produire des attestations d’autres salariés et de personnes extérieures à
l’entreprise, tels des clients qui ont été témoins de certains faits, des certificats médicaux, des notes
internes, un message enregistré sur un répondeur, des SMS, des mémorandums, des résultats
d’évaluation ou tout autre document circulant dans l’entreprise tels des courriers électroniques et
disciplinaires. Le salarié peut également mettre établir l’inaction de l’employeur, en démontrant que
des lettres de dénonciation du harcèlement sont restées sans suite. Par ailleurs, la fragilité du salarié
est prise en compte : état de grossesse, faibles capacités intellectuelles, vulnérabilité particulière due
par exemple à l’âge, à des problèmes de santé préexistants ou à ceux d’un proche,…
Pourquoi le harcèlement moral est-il difficile à prouver ?
Les effets du harcèlement moral sont empreints d’une forte part de subjectivité : ce qui peut être vécu
comme du harcèlement par un salarié ne sera pas par un autre. Mais le harcèlement moral est surtout
un processus sournois. Il s’agit d’une véritable stratégie qui ne se perçoit pas dans l’immédiat. Il se
développe sur une certaine durée et par des actes qui pris isolément sont anodins. Il n’est donc pas
facile de reconstituer ce processus. De plus, un salarié victime de harcèlement moral ne porte
généralement l’affaire à la connaissance de la justice répressive qu’à partir du moment où la situation
est allée trop loin dans l’atteinte à la personne : un licenciement, une dépression, un suicide,… En droit
français, pour toute infraction, la personne poursuivie est présumée innocente. Aussi la charge de la
preuve pèse sur la prétendue victime, situation particulièrement douloureuse pour elle.

Que risque la personne qui commet des actes de harcèlement moral ou sexuel ?
L’auteur du harcèlement engage sa propre responsabilité civile et pénale,
indépendamment de la responsabilité de l’employeur. Autrement dit, la victime
du harcèlement peut obtenir la condamnation pénale de son harceleur et obtenir
des dommages-intérêts. Les peines maximales encourues sont une peine
d’emprisonnement de deux ans et 30 000 € d’amende. Des sanctions
complémentaires peuvent être prononcées comme l’interdiction des droits
civiques ou l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle à l’occasion de
laquelle le harcèlement s’est produit et l’affichage ou la diffusion de la décision
de justice.
Quels risques prend le salarié qui se plaint à tort de harcèlement ?
Outre le risque d’être poursuivi pour diffamation, dénonciation calomnieuse, le
salarié qui invoque à tort des faits de harcèlement sexuel ou moral s’expose à
une rupture de son contrat de travail (pouvant aller jusqu’à un licenciement pour
faute grave en cas de mauvaise foi prouvé par l’employeur) et à une amende
civile en cas de constitution abusive de partie civile. L’auteur d’une dénonciation
calomnieuse risque une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 €
d’amende.
Comment l’employeur peut-il se défendre contre l’accusation du délit de
harcèlement ?
Il peut prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un tel délit mais
également que sa décision se trouve justifiée par des éléments objectifs
étrangers à tout harcèlement comme l’exercice du pouvoir de direction (avec un
stress inhérent à la fonction ou à la mission, la réorganisation d’un service,
l’exercice du droit de critique,…), l’exercice du pouvoir disciplinaire par
l’employeur et le comportement de la prétendue victime.
Comment l’employeur peut il prévenir et lutter contre le harcèlement ?
L’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires à la lutte contre le
harcèlement sexuel ou moral et sanctionner les auteurs de tels agissements. Tout
chef d’établissement connaissant l’existence d’acte de harcèlement et restant
inactif peut d’être poursuivi pénalement. Il est conseillé d’exécuter le contrat de
travail de bonne foi : notamment en s’abstenant d’agir avec désinvolture dans
l’exécution du contrat et également en considérant le salarié comme un
collaborateur. Il est également conseiller de sensibiliser les salariés par
l’information et le règlement intérieur. En présence de représentants du
personnel, l’employeur doit travailler avec eux afin d’atteindre ce but.
Quelques conseils et rappels :
Dès l’apparition de tensions ou en cas de période fragile dans l’entreprise,
favorisez une procédure de médiation. Il s’agit d’une procédure prévue par le
Code du travail réservée aux cas de harcèlement moral pouvant être engagée par
toute personne de l’entreprise qui s’estime en être victime.
L’employeur a un délai maximum de deux mois à compter de la date à laquelle il
a eu connaissance des faits pour sanctionner un salarié fautif sauf en cas de
poursuites pénales (suspension).
Le médecin traitant ou le médecin du travail n’ont ni pouvoir ni capacité pour
constater l’existence d’un harcèlement moral. Il peut seulement être amené à
attester du mal-être du salarié et notamment établir un lien entre une
dépression nerveuse et des faits liés au travail.